Le texte que nous présentons ici fixe les règles très précises et impérieuses de pureté intérieure et extérieure qui régissent, dans le cadre de la Voie Madanie en particulier et du Tassawuf en général, les relations du Maître et de son élève ainsi que des élèves entre eux.
Il définit également les vertus cardinales que l’aspirant doit posséder, celles qu’il doit rechercher et en lesquelles il doit exceller afin d’atteindre le but de ses aspirations, qui n’est autre que la délivrance de l’erreur par la connaissance « gustative » d’Allah.
En prenant pour Axe immuable la Loi Sacrée dictée par Allah aux Univers, il fournit des conseils extrêmement précieux pour déjouer les embûches sur le chemin. Qui se tient à ces conseils empreints de sagesse réussira, si Dieu veut. Amin.
Si beaucoup de textes évoquent l’adab en Islam, celui-ci a le mérite de vibrer, « ici et maintenant » et d’irradier dans la communauté, diffusant l’enseignement béni des saints fondateurs et continuateurs de la Voie.
Louange à Allah qui a embelli l’existence par la présence de notre Prophète, le meilleur de la création et la quintessence [1] des mondes ; Il a institué l’amour des Prophètes et des Envoyés comme fondement de la Foi.
J’atteste qu’il n’y a de divinité qu’Allah, Seul, sans associé, Il a missionné cet Envoyé illettré comme Miséricorde pour les premiers et les derniers, et j’atteste que notre Souverain [2] et Maître Muhammad est Son serviteur et Son envoyé, le plus noble des êtres, apportant la plus noble des formes traditionnelles [3] .
Allahumma ! effectue la Prière unifiante et apporte la Paix infinie à notre Sayyid et notre Bien Aimé Muhammad, sur sa Famille, ses Compagnons et tous les gens de sa Maison.
La courtoisie du Faqir
Ô communauté de l’Élu, du Guide vers la Bonne Direction (al-Rašâd)
Allah nous a accordé d’examiner minutieusement depuis déjà plus de 50 ans les piliers de la Voie instituée par Shaykh Muhammad Al-Madani, ses invariants et la limpidité de ses concepts.
Nous avons montré dans le discours prononcé en l’honneur du Mawlid 1431h (2009), les spécificités du Maître instructeur [4] et les critères obligatoires qu’il doit pouvoir présenter en surabondance. Le discours du Mawlid 1432h (2010) a été consacré au centenaire de la fondation de la Voie (1910-2010) et nous poursuivons maintenant la ligne que nous avons tracée, qui a pour objectif la préservation de la pureté de cette Voie en particulier, et du Tassawuf d’une manière plus générale.
Nous abordons aujourd’hui la question du respect des convenances par l’aspirant (Murîd) ou le faqîr [5] .
Le terme faqîr prend son origine dans la dépendance vis-à-vis d’Allah -Exalté soit Il -selon Sa Parole :
« O hommes, vous êtes les indigents ayant besoin d’Allah, et c’est Allah, Lui qui se dispense de tout et Il est Le Digne de louange. »[6]
Le Shaykh Mohammed al-Madani, qu’Allah lui fasse miséricorde, a écrit dans son ouvrage Burhâ adh-dhâkirin :
« L’aspirant est désigné conventionnellement dans le vocabulaire technique des soufis par le terme faqîr, il lui incombe d’accompagner son maître selon ce qu’exige son rang, (c’est à dire) avec sincérité, amour, soumission, conformité, vénération et de ne s’opposer en lui en aucune chose » [6]
Le faqîr doit donc adopter des règles de convenances et s’en orner :
Premièrement : Il doit chercher à (ressembler et) se conformer à son maître, agir selon son conseil après l’avoir sollicité et s’en contenter. Le faqîr n’a pas en cela, à abandonner sa raison, mais il doit suivre ses indications comme suivrait docilement un malade les indications de son médecin, s’en remettant à sa compétence spécifique.
Deuxièmement : Le faqîr ne doit pas penser que son maître est infaillible, car c’est un homme au même titre que les autres, susceptibles de commettre des fautes vénielles. La différence (avec le commun) c’est qu’il ne persiste pas dans cet état, dans la mesure où son aspiration n’est pas attachée à autre chose qu’Allah Lui-même, Exalté soit-Il.
Troisièmement : Après avoir cherché, au début de son engagement, le maître parfaitement capable d’éduquer les âmes, il doit retrouver dans son Maître, les critères qui caractérisent cette capacité (conditions que nous avons évoquées dans l’allocution du Mawlid 1431/2009) et qu’ils y sont parfaitement présents en acte.
Il voit que les fuqaras progressent en Foi, actes d’adoration, science et vertus.
Il est nécessaire que le faqîr dispose de la balance valide de la Loi et d’un intellect sain, pouvant ainsi distinguer entre le vrai et l’illusoire, s’écarter des superstitions et du charlatanisme, et ne pas se laisser abuser par les mots creux.
Quatrièmement : Il doit se caractériser dans l’accompagnement de son shaykh par la franchise et la loyauté, s’élevant au-dessus des ambitions et des intérêts individuels, attentif au respect qu’il lui doit, que celui ci soit présent ou absent [7] .
Shaykh Mohammad al-Madani - qu’Allah lui fasse miséricorde - a dit dans l’une de ses maximes « Celui qui s’est embelli par la vertu de Sidq [8] envers Allah et Son Envoyé, puis envers son éducateur et ses frères, puis avec tous les croyants, Allah augmente sa foi, sa certitude, sa force, sa fermeté et le Très Haut a dit :
« Afin qu’Allah récompense les francs pour leur franchise » [9]
« ليجزي اللهُ الصادقينَ بصدقهم » 33-24 Al- Ahzâb »
Cinquièmement : Il doit aimer son Shaykh d’un amour très profond (élevé), à condition que cet amour ne le pousse pas à s’imaginer que son shaykh n’appartient plus à la condition humaine, ou ne le pousse à l’exagération lorsqu’il discourt à son propos [10] .
Il convient qu’il soit calme [11] et grave [12] dans les séances en sa compagnie. Il doit s’empresser à mettre en application ce qu’il lui dit dans les limites de la Loi [13] .
Sixièmement : Le murîd doit parfaitement maitriser les bases pré requises, cela fait partie intégrante des qualités du faqir [14] .
Septièmement : Il doit respecter les convenances avec tous les autres fuqaras, respecter leur honneur et se monter effacé envers eux [15] , avoir d’eux une parfaite opinion. L’Imam al Nisâpurî, qu’Allah soit satisfait de lui, a dit :
« le Tassawuf dans son intégralité est respect des convenances : chaque moment a sa convenance, chaque état sa convenance, chaque station sa convenance, celui qui s’applique dans le respect des convenances atteint le But des Hommes, et celui qui passe outre est éloigné même s’il se croit proche, chassé, même s’il pense être agrée. »
Pour conclure, le faqîr qui progresse dans la Voie Madanie doit s’empresser d’acquérir les sciences de la Loi et les connaissances du Hadith, et également s’empresser à nettoyer son âme et la purifier dans le but de connaître Allah de science certaine, visant par cette synthèse l’excellence dans l’ascension des degrés de la Proximité avec Allah.
Le Goût
Ô vous qui fêtez la naissance du Seigneur de l’Existence,qu’Allah prie sur lui et lui donne la Paix !
Le terme « goût » (dhawq) est souvent employé par les connaissants lorsqu’ilsévoquent la Voie, l’Éducation (spirituelle) et le cheminement (initiatique). C’està la fois un signe et une preuve de connaissance seigneuriale, c’est aussi une marquedistinctive de l’Amour. Comment n’en serait-il pas ainsi alors que le terme enlui-même émane directement du Quran ? Effectivement, il apparait dans laparole d’Allah, avec ses différents dérivés, soixante et une fois.
Le sens premier du goût est celuid’une perception physique par la langue, puis par extension sémantique, il faitréférence à l’ensemble des perceptions d’ordre intérieur.
Allah – exalté soit-Il - dit : « Parmi Ses signes l’envoi des vents debon augure, afin de vous faire goûter Sa Miséricorde, et que navigue la nef parSon Ordre, que vous recherchiez Ses Bienfaits, et qu’ainsi, peut-être vous rendrezvous reconnaissants » [16]
Le terme dhawq apparait également de façon explicite dans lespropos du « sincère et digne de confiance », qu’Allah prie sur lui etlui donne la Paix, (comme dans le hadith) : « Goûtela Foi celui qui est satisfait d’Allah comme Seigneur, de la pratique del’Islam comme expression de la dette envers Lui (de l’Islam comme formetraditionnelle), et de Muhammad comme Prophète et Envoyé » [17] .
De manière plus allusive, il apparaitdans ce propos ; « Celui en qui setrouvent trois, connait la douceur de la foi, (ces trois choses sont) :Qu’il aime Allah et Son Envoyé plus que tout autre chose, que lorsque il aimeun homme, il ne l’aime qu’en vue d’Allah ; et qu’il lui répugne deretourner à l’incroyance comme lui répugnerait le fait d’être jeté dans le feu. » [18]
Par l’envoi de ces Envoyés, Allah avoulu la purification et l’illumination des cœurs, entérinant Sa Parole « De même avons-nous envoyé en vous (parmi vous) un envoyé de vous, qui vous récite NosSignes (verset), vous purifie et vous apprend le Livre et la Sagesse ». [19]
La purification Seigneuriale signifiel’illumination des cœurs, afin qu’ils goutent les joyaux des Vérités et dessubtilités intelligibles, et prennent conscience des exhalaisons du Tawhid qui « compénètre » [20] la Noble Loi.
Traduction de sidi ’Abd al-Malik,
Muqaddam de la tariqua Madaniyya
Égletons- France, Mai 2012.